ANCRAGE DES BALCONS ET AUVENTS

Le temps des balcons se réduisant à une étroite bande de béton le long de la façade est révolu. Les balcons sont devenus de véritables espaces extérieurs et constituent un prolongement de l’espace intérieur. Ils sont donc toujours plus grands. Cette évolution va de pair avec l’exigence d’une meilleure isolation du bâtiment tout en évitant les ponts thermiques.
 
La fixation de balcons à la structure portante demande dès lors compétence professionnelle et précision. Il n’est fait ici aucune distinction entre balcons et auvents, car le principe d’ancrage est identique. Seule l’ampleur des forces exercées sur ces éléments diffère. Ainsi la charge d’utilisation sera-t-elle plus importante sur un balcon que sur un auvent.
 

PONTS THERMIQUES

La suspension d’un balcon à l’aide d’une armature continue dans le gros-œuvre, sans isolation entre celui-ci et le balcon, crée un important pont thermique sur toute la longueur de la jonction. Les ponts thermiques peuvent provoquer toute une série de phénomènes très désagréables, comme les déperditions de chaleur et l’apparition de moisissures à l’intérieur du bâtiment. De plus, la différence de température entre les deux zones peut provoquer des fissures dans la dalle de plancher continue à hauteur de la jonction entre l’intérieur et l’extérieur.
 
Ces problèmes peuvent être évités en séparant le balcon du gros-œuvre et en prévoyant une isolation thermique entre les deux. Cette isolation doit être perforée par un certain nombre de barres d’armature, qui reprennent les forces exercées par le balcon. Il s’agira de différents types de forces en fonction du type de balcon.
 
Les situations les plus courantes sont les suivantes :
  • balcon en porte-à-faux : moment et effort tranchant.
  • balcon appuyé : aucun moment, uniquement un effort tranchant. En fonction de la situation de l’appui, il peut s’agir d’une force s’exerçant vers le haut ou vers le bas, ou d’une combinaison des deux.
  • balcon encastré : combinaisons possibles de moments ascendants et descendants et d’efforts tranchants.
 
Les forces précitées sont représentées à la figure 1.
 
Figure 1 :
  1. Balcon en porte-à-faux : moment descendant, effort tranchant vers le bas
  2. Balcon appuyé à l’avant : effort tranchant vers le bas
  3. Balcon appuyé avec partie débordante : effort tranchant vers le bas et le haut possible
ARMATURE
Le moment est repris par la combinaison d’une barre de traction et d’un élément de compression. Ce dernier n’est généralement pas une barre d’armature ordinaire mais une courte barre dotée de têtes spéciales assurant une meilleure répartition de la compression dans le béton. L’effort tranchant, quant à lui, est repris par une barre de cisaillement pliée à 45° dont la partie inférieure se situe du côté de la force s’exerçant vers le bas. Le nombre de barres dépend de l’ampleur des forces et leur position du sens dans lequel les forces concernées s’exercent.
 
La partie des barres qui traverse l’isolation doit toujours être en acier inoxydable. Le matériau utilisé pour le reste des barres revêt une importance moins critique et diffère d’un fabricant à l’autre.
 
Outre les barres pour la reprise du moment et de l’effort tranchant, il faut aussi prévoir quelques armatures supplémentaires selon les directives fournies par le fabricant. Ces barres assurent notamment l’ancrage final des autres barres d’armatures et la reprise des forces de fendage provoquées par les têtes des éléments de compression.
 
DIMENSIONS
Les coupures thermiques sont conçues de façon modulaire afin de pouvoir être placées sans pertes dues aux découpes. Les éléments de mesure standard sont complétés par des éléments de 20, 30, 40 et 50 cm, selon le type. Toutefois, on ne place généralement pas de coupures thermiques sur toute la longueur du balcon, d’une part en raison du coût plus élevé, et d’autre part car il faut pouvoir placer les dispositifs de levage nécessaires dans le balcon. Il est conseillé de prévoir des coupures thermiques sur au moins 60% de la longueur d’un balcon en porte-à-faux, de préférence de manière symétrique, pour éviter les forces excentriques excessives.
 
Figure 2 : balcon de 6 m avec 4 coupures thermiques d’1 m entre lesquelles est placée une isolation complémentaire.
 
Les espaces entre ces coupures thermiques doivent être remplis d’un matériau d’isolation similaire à celui des coupures thermiques. La répartition des charges dans les balcons d’angle ou les balcons encastrés est beaucoup plus complexe et la réalisation de coupures thermiques pour ce type de balcons doit être examinée au cas par cas. Il faut aussi naturellement toujours étudier le gros-œuvre car celui-ci doit pouvoir reprendre les charges transmises.
 
Des coupures thermiques d’une hauteur de 14 à 25 cm sont disponibles sur le marché. Il est ainsi possible de trouver une solution pour la plupart des balcons. La production d’éléments de moindre hauteur a généralement peu de sens, et ce pour trois raisons :
  • Le bras de levier intérieur à l’élément constitue une première limitation. Il s’agit de la distance entre la barre de traction et l’élément de compression, qui détermine quel moment une coupure thermique peut reprendre. Deux barres identiques à une distance différente l’une de l’autre peuvent en effet reprendre un moment différent. Si le bras de levier devient trop court, la reprise du moment de la coupure thermique n’est généralement pas suffisante.
  • La flèche doit rester limitée. La flèche totale est la somme de la flèche de dalle de balcon même et de la rotation du balcon dans son ensemble autour de la suspension. Les barres en acier de la coupure thermique vont en effet s’allonger ou se rétracter en fonction de la charge. Il convient de limiter les deux phénomènes. La flèche peut être limitée en optimisant le rapport épaisseur/porte-à-faux. Pour limiter au maximum la rotation du balcon autour de la suspension, l’on peut prévoir une contre-flèche lors de la pose du balcon, de sorte que le balcon adopte une position horizontale sous son propre poids.
Fig. 3a) Reprise d’un moment tranchant                 
Fig. 3b) Reprise d’un effort tranchant vers le bas et d’un effort tranchant vers le bas             
  • Il convient d’éviter autant que possible les vibrations. Sous l’effet de sollicitations variables, comme les charges d’utilisation par exemple, les barres peuvent en effet se mettre à vibrer. Pour limiter ce phénomène, on peut limiter le porte-à-faux et/ou accroître l’épaisseur du balcon.

Des limitations s’appliquent non seulement à l’épaisseur et au porte-à-faux du balcon, mais aussi à la longueur du balcon, qui ne peut excéder certaines valeurs maximales. Le balcon va en effet se dilater latéralement sous l’effet des variations de température, et les barres des coupures thermiques doivent pouvoir suivre cette dilatation. A titre d’exemple, la longueur maximale d’un balcon en porte-à-faux s’élève à 11 m. Les balcons plus longs doivent être scindés en 2 parties.

PLIAGE DES BARRES

Il n’y a souvent pas de dalle de plancher du côté du gros-œuvre, mais seulement une poutre ou un mur. Il existe aussi souvent une différence de hauteur entre la dalle de plancher et le balcon. Les barres de la coupure thermique doivent alors être pliées pour s’adapter au gros-œuvre.
 
Pour que ces barres puissent continuer à reprendre correctement les forces, le diamètre du pli doit, selon la norme belge, s’élever à au moins 10 fois le diamètre de la barre. De plus, afin de garantir l’équilibre des forces, une barre peut être pliée directement vers le bas mais jamais directement vers le haut. Pour plier une barre vers le haut, il convient dès lors de réaliser une boucle, comme indiqué à la figure 4.
 
Figure 4a) : pliage de barre vers le bas
Figure 4b) : pliage de barre vers le haut (pour une raison de clarté, la barre de cisaillement n’a pas été reproduite sur le dessin)
 
Le pliage des barres peut s’effectuer durant la production des coupures thermiques, en tenant compte des exigences précitées. Cela peut toutefois avoir un impact sur le gros-œuvre. Prenons comme exemple une barre de traction pliée d’un diamètre de 8 mm qui doit être pliée comme indiqué sur la figure 4b. Réalisons maintenant une coupe de gauche à droite au travers de la boucle. Nous obtenons successivement :

 

Enrobage du béton à l’intérieur
30 mm
Diamètre de la barre
8 mm
Diamètre du pli (10 x 8 mm)
80 mm
Diamètre de la barre
8 mm
Enrobage du béton à l’extérieur
25 mm
TOTAL
151 mm
 
Une épaisseur totale de paroi de 15,1 cm est nécessaire pour la barre de traction pliée. Une ‘paroi traditionnelle’ de 14 cm ne suffit donc pas dans ce cas.
 

LE GROS-OEUVRE

Le moment et l’effort tranchant que le balcon provoque sont repris par les barres citées plus haut. Ils sont guidés dans les barres du côté du balcon avant d’être transmis au gros-œuvre. A ce niveau, ces forces doivent être naturellement réparties.
 
Les barres de cisaillement, quant à elles, transmettent leur force au béton et doivent donc être ancrées pour ne pas sortir du béton. Les barres de traction ne peuvent pas être simplement ancrées car le béton ne peut reprendre ces forces. Celles-ci doivent dès lors être transmises aux barres de traction dans le gros-œuvre. Cela n’est possible que si les barres de la coupure thermique et celles du gros-œuvre se chevauchent.
Pour cela, il faut prévoir une longueur de recouvrement qui, selon la norme belge, doit être de (en simplifiant) 1,5 x la longueur d’ancrage. Autre condition essentielle pour pouvoir parler de chevauchement : l’écart entre les barres doit être limité à maximum 4 fois le diamètre des barres.
 
Ceci implique toutefois un certain nombre de limitations :
  • Dans le cas des hourdis, il n’y a pas d’armature de traction, si bien que le chevauchement est exclu. Pour résoudre ce problème, il est possible de prévoir une armature de traction dans les hourdis, à hauteur de la connexion.
  • La stabilité des hourdis doit aussi être contrôlée. Certains cas impliquent des mesures supplémentaires. Il existe des hourdis spéciaux surbaissés. 
  • Lors du pliage des barres, comme expliqué ci-dessus, il convient d’opérer une distinction entre une poutre et un mur. Dans un mur, les armatures de traction vont du haut vers le bas, si bien qu’un chevauchement est possible. Ce n’est cependant pas le cas pour une poutre. L’armature dans la section transversale d’une poutre est en effet réalisée selon le schéma de la figure 5. 
Fig. 5 : L’armature d’une poutre (pour une raison de clarté, les barres de la coupure thermique n’ont pas été reproduites)
 
Les barres de traction pliées vers le bas de la coupure thermique (voir figure 4a) ‘chevaucheront’ donc dans ce cas un étrier de cisaillement, qui ne peut reprendre les forces de traction. Il existe alors deux possibilités. L’on peut concevoir la poutre comme une poutre de torsion ; l’étrier est alors dimensionné de sorte qu’il puisse aussi reprendre les forces de traction. Une autre possibilité consiste à continuer de plier la barre de traction jusqu’à la dalle de plancher située plus bas et à lui faire chevaucher l’armature de traction présente, comme représenté à la figure 6.
 
Figure 6 : le pliage d’une barre de traction jusqu’à la dalle de sol en contrebas
 

ENROBAGE EN BÉTON

Comme déjà évoqué plus haut, il existe d’une part des coupures thermiques pour lesquelles l’entièreté des barres est en acier inoxydable et d’autre part des coupures thermiques pour lesquelles seule la partie qui traverse l’isolation est en acier inoxydable. La partie restante de la barre est alors réalisée en acier à béton. Dans ce dernier cas, il faut bien entendu prévoir un enrobage de béton suffisant. Dans le cas de barres entièrement en acier inoxydable, il faut également veiller à ce que les barres soient suffisamment enrobées de béton.
 

RÉSISTANCE AU FEU

La résistance au feu d’une coupure thermique standard est très faible. Il existe toutefois des modèles spéciaux pouvant porter la résistance au feu à 1,5 heure, voire 2 heures moyennant un encastrement spécial.
 

LOGICIEL DE CALCUL

Lors du calcul des forces dans la coupure thermique à l’aide de programmes spécialisés, il importe de ne pas considérer la coupure thermique comme un appui rigide. Comme ces éléments sont constitués d’une série de barres en acier, il est question d’un appui élastique, possédant des constantes d’élasticité basées sur les données du fabricant.
 

Conclusion

 
L’ancrage des panneaux de façade, balcons et auvents à la structure sous-jacente d’une construction est envisageable grâce à de nombreuses solutions intégrées. Le marché propose dès lors des produits hautement technologiques prêt à l’emploi.
 
Mais en dehors de l’ancrage en soi, il convient de tenir compte d’un ensemble d'aspects tout aussi importants tels que la dilatation thermique, les coupures thermiques, les forces éoliennes, la reprise du poids mort, les torsions, la flèche, etc.
 
On n’insistera jamais assez sur le fait que l’ancrage doit être envisagé dès la phase de conception. Les ancrages doivent être complètement en accord avec la construction portante, la façade et les balcons afin que l’ensemble constitue une construction logique. Mieux vaut éviter de recourir à de la technologie onéreuse.
 
L’architecture, les exigences constructives et les solutions techniques sont en constante évolution. De même, le concepteur devient toujours plus exigeant, et repousse ainsi les limites existantes. Les fabricants belges d’éléments en béton architectonique membres de FEBELARCH se tiennent prêts à rechercher, en concertation avec le concepteur, les meilleurs compromis et ainsi relever leurs défis.